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17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 15:52

Blog n° 30 – 26 octobre 2015 – Georges Ordonnaud

SORTIR PAR LE HAUT DES CRISES D’UKRAINE ET DU MOYEN ORIENT

La lecture de l’article de Dominique de Villepin (Figaro du 19.10.2015) présente un grand intérêt. L’ancien Premier Ministre y fait des propositions, non pour gérer –gérer au mieux comme le font les responsables politiques actuels–, les crises d’Ukraine et du Moyen Orient (comment « assécher » les ambitions de DAECH), mais pour lui trouver une sortie par le haut, c'est-à-dire établir une paix durable. Ces propositions présentent de profondes analogies avec celles que j’ai formulées dans mon blog (n° 28) de décembre 2014.

Le Figaro – 19 octobre 2015

DOMINIQUE DE VILLEPIN : L’ancien premier ministre invite les Occidentaux à cherche un équilibre avec Pékin et Moscou afin d’éviter une cassure du monde en deux blocs.

La Russie est de retour ; c’est une bonne nouvelle pour le monde. Car il ne peut y avoir d’ordre mondial sans équilibre et sans diversité. Vouloir l’ordre, c’est accepter les différences. Sans la Russie, il n’y a pas de règlement possible des crises. L’accord sur la non-prolifération avec l’Iran en a été la preuve ainsi que l’enquête sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie à l’été 2013. Ayant toujours plaidé et agi en faveur d’un monde multipolaire organisé sur la base du multilatéralisme, je ne peux que me réjouir que la Russie se soit exprimée fortement à l’Assemblée générale des Nations unies. Sur l’Ukraine, l’apaisement crée aujourd’hui les conditions d’un processus politique qui exige que nous nous impliquions plus fortement encore. La réduction de la violence et le report des élections dans l’est de l’Ukraine sont des signaux positifs pour la mise en œuvre graduelle des Accords de Minsk II. Avançons sur la loi concernant le fédéralisme ukrainien et renouons le dialogue de coopération entre Russie et Europe.

La Russie est de retour, mais dans quel monde ? L’incompréhension des grandes puissances est à son comble, nourrie de préjugés et de malentendus. Nous ne parlons pas le même langage et ne voyons pas le monde avec les mêmes yeux. Ne soyons pas naïfs. Le monde pourrait bien se briser en deux blocs, l’un occidental, dictant ses normes sans toujours les respecter, l’autre oriental, chinois autant que russe, refusant les monopoles de fait exercés par l’Occident en matière monétaire, financière, technologique. Nous pourrions bien nous réveiller avec un double système financier, un double Internet, peut-être un double système de gouvernance mondiale. La montée en puissance du renminbi, les nouveaux instruments sur Internet, la création d’institutions financières multilatérales nouvelles sont autant de signes d’un changement des temps.

L’enjeu de la crise syrienne dépasse de loin le cadre régional et même la question du combat commun contre le djihadisme. C’est le nouvel ordre mondial qui se décide.

Il est vital d’éviter les erreurs dans nos stratégies respectives en Syrie et en Irak. Mus en partie par nos héritages et nos expériences, nous subissons toujours la tentation de reproduire le passé. C’est vrai des États-Unis, de l’alliance sunnite avec l’Arabie saoudite dans les années 1970 jusqu’à l’invasion unilatérale de l’Irak. C’est vrai également de la France, ancienne puissance coloniale, protectrice historique des chrétiens d’Orient et marquée par l’expérience de la guerre d’Algérie. C’est vrai enfin de la Russie, héritière de longues traditions au Moyen-Orient, protectrice des communautés orthodoxes et portée aux conflits sur ses marges méridionales, de Catherine II à la Tchétchénie en passant par l’Union soviétique.

Nous devons aussi éviter une seconde tentation commune, celle de nous substituer aux acteurs régionaux et de les déresponsabiliser. Nous devons nous accorder sur des principes communs si nous voulons assécher le terreau du terrorisme. Premier principe, l’intangibilité des frontières, car la remise en cause des frontières Sykes-Picot, même avec de bonnes intentions, ne mènerait qu’à l’explosion régionale. Deuxième principe, la non-ingérence. Aucune puissance ne doit viser au changement de régimes par la force, mais pas davantage à leur maintien artificiel. Troisième principe, le refus de tout engagement au sol, dont nous connaissons tous dans notre chair - de l’Algérie aux deux guerres d’Afghanistan - les risques d’embourbement.

Nous pouvons en revanche faire preuve d’unité et montrer le chemin du dialogue et de la paix, notamment en organisant une conférence permanente sur la sécurité régionale dont les puissances internationales seraient les garantes, en reprenant le format 5 + 1 des négociations avec l’Iran, en y conviant l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Égypte. Nous pouvons exercer des pressions amicales, la Russie en Iran, l’Amérique en Arabie saoudite, tout en favorisant les dialogues croisés. Il s’agit de se concentrer aujourd’hui sur les pays fragilisés, parfois au bord de la rupture, comme la Turquie ou l’Arabie saoudite, car la conquête des lieux saints de l’islam demeure dans la ligne de mire djihadiste.

La clé, c’est aujourd’hui de s’accorder sur un cadre politique pour la nouvelle Syrie, organisant la partition de fait dans un ensemble fédéral. Cela suppose dès aujourd’hui d’avancer sur des paix locales et des cessez-le-feu dans les zones où c’est possible : à Homs, à Idlib, à Alep. Il s’agit de donner des garanties aux minorités et la protection des Alaouites par la Russie est bienvenue. De même, seule une garantie collective pourra assurer la sécurité de la région de Damas, mosaïque de communautés qui doit trouver, à défaut de mieux, un modus vivendi à la libanaise. Enfin, cet accord doit permettre d’établir des zones humanitaires protégées aux frontières turque et jordanienne. C’est le seul moyen de stabiliser l’afflux de réfugiés, notamment vers l’Europe. Cet accord doit être surveillé et garanti par l’implication permanente d’une conférence de sécurité régionale et internationale avec tous les acteurs. À défaut d’un tel accord, la violence sera sans fin. Des millions de Syriens seront jetés sur les routes. Daech et Assad se renforceront mutuellement et la gangrène gagnera le reste du monde sunnite.

Il serait temps que l’Europe retrouve sa voix, sa mémoire et son message. C’est dans cet esprit que je veux parler à mes amis russes lors du prochain forum de Valdaï, avec Vladimir Poutine. Car j’ai la conviction que l’Europe jouera un rôle clé pour éviter la cassure du monde. Son magistère ne tient pas aux leçons de morale et aux sanctions, mais à l’exigence du dialogue, à l’expérience et à l’exemplarité. Cessons les jeux de rôle à contre-emploi et agissons enfin en faveur de l’équilibre en allant à la rencontre de la Russie, de la Chine et du reste du monde.

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17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 15:47

Blog n° 29 – 11 octobre 2015 ([1]) – Georges Ordonnaud

ARTICLE 175

De l’Encyclique “LAUDATO SI” du Pape FRANçois (24 mai 2015)

Le 25 septembre 2015, le Pape François, s’exprimant à la tribune de l’O.N.U, exhortait les Etats à « aller au-delà des déclarations et d’être efficaces. »

Dans l’article 175 de son encyclique « Laudato si » du 24 mai 2015, il insistait sur la nécessité d’une « Autorité politique mondiale », esquissée par le Pape Saint Jean XXIII (Encyclique « Pacem in Terris ») et le Pape Benoît XVI (Encyclique « Caritas in veritate »), clef de voûte –à créer– de l’organisation internationale, destinée à veiller à l’application effective des accords entre gouvernements nationaux en tous domaines.

Article 175

La même logique qui entrave la prise de décisions drastiques pour inverser la tendance au réchauffement global, ne permet pas non plus d’atteindre une réaction globale plus responsable, qui implique en même temps la lutte pour la réduction de la pollution et le développement des pays et des régions pauvres. Le XXIè siècle, alors qu’il maintient un système de gouvernement propre aux époques passées, est le théâtre d’un affaiblissement du pouvoir des Etats nationaux, surtout parce que la dimension économique et financière, de caractère transnational, tend à prédominer sur la politique. Dans ce contexte, la maturation d’institutions internationales devient indispensable, qui doivent être plus fortes et efficacement organisées, avec des autorités désignées équitablement par accord entre les gouvernements nationaux, et dotées de pouvoir pour sanctionner. Comme l’a affirmé Benoît XVI dans la ligne déjà développée par la doctrine sociale de l’Eglise : « Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, (saint) Jean XXIII ». Dans cette perspective, la diplomatie acquiert une importance inédite, en vue de promouvoir des stratégies internationales anticipant les problèmes plus graves qui finissent par affecter chacun.

PS :

  1. L’Association des Amis de Pierre Teilhard de Chardin ayant participé au voyage en Chine organisé par « La Vie », il est intéressant de reproduire les déclarations du Pape François sur la Chine, faites dans l’avion qui le ramenait à Rome après un voyage réussi aux Etats Unis où le Président chinois Xi Jin Ping effectuait également, un même moment, un voyage officiel.

Le Figaro du 29.09.2015

L’espoir d’un voyage en Chine

« La Chine est une grande nation, qui apporte au monde une grande culture et tant de bonnes choses. Cela me plairait tellement d’aller en Chine. J’aime le peuple chinois, je l’aime. Et j’espère qu’il y aura des possibilités d’avoir de bonnes relations. Nous avons des contacts et il faut aller de l’avant. Mais pour moi, avoir un ami, un pays ami comme la Chine, qui a une telle culture et tant de possibilités de faire le bien, ce serait une joie de m’y rendre. »

  1. Le Blog n° 28 du 28.12.2014 reste d’une actualité brûlante.

[1] Le 11 octobre 2015 : Fête de Saint Jean XXIII

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